03 Au-Dehors
Berceau du caprice, la forêt mystique surprend au moindre clignement des paupières. D’un sentier à l’autre, la densité végétale passe de clairsemée à oppressante, tandis que les branches se rejoignent sur votre passage pour dessiner d’occultes visages. Tantôt brumeuse, tantôt éclairée de milliers de faisceaux, ce n’est pas tant tourner en rond qui pose problème que de savoir si l’on est déjà passé par ces bois fluctuants. La forêt, comme guidée par une dichotomie poétique, peut vous présenter deux fruits semblables ; le premier empoisonne, le second revigore.
Si le Havre possède son propre cimetière pour les corps de ses défunts, le cimetière des âmes s’est établi de lui-même dans les marécages. Les voix d’outre-tombe y prolifèrent, les esprits se mêlent à l’eau croupie et se dissolvent entre les brindilles mortes de bosquets sombres. La forêt mystique foisonne de vies multiples, tandis que les marécages ne connaissent que la désolation. Quelque tragédie a comme ravagé sa surface.
En parvenant à ces terres, vous aurez soit traversé les marécages, soit la forêt mystique. Des félicitations sont à l’ordre du jour. Mais en poursuivant votre chemin, vous connaîtrez des épreuves au-delà de ce qui est humainement supportable. Les températures chutent considérablement d’un pas à l’autre, et la glace s’étend jusqu’à l’horizon. Peut-être qu’au-delà de ces monts enneigés se trouve la salvation de l’humanité ? De nombreux citoyens en font la prière, avant de se perdre à jamais dans le blizzard.
Que ce soit la nuit ou le jour, en état d’ébriété ou de sobriété, plongé dans un sommeil paradoxal ou enivré par un état second, le plan onirique appelle les Havriens et les invite à y demeurer. Ils s’y perdent pour quelques heures, s’oubliant pour un temps indéfini tant les secondes d’y effacent. On ne peut jamais trop savoir ce qui relève de l’hallucination, de la prémonition ou de l’imagination d’un cerveau trop stimulé par son environnement.
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