Un double mur en pierres, renforcé par les ingénieurs les plus réputés d’AVA Corp. Entre ces deux remparts, des douves inondées constituent la ligne de défense originelle des humains face à la nature, avant qu’ils n’érigent ces barrières hautes d’une vingtaine de mètres de part et d’autre de leurs rives. Les deux murs ne sont pas communicants, pour des raisons stratégiques, et les pauvres âmes affectés comme gardes de la frontière municipale circulent à l’intérieur-même des murs pour éviter d’être fauchés par quelque rapace carnivore.

Des baraques sans style mais d’une solidité irréprochable s’alignent le long des remparts, disposant d’une myriade de soldats prêts à mourir pour protéger la ville. En tout cas, c’est ce que la propagande avance à leur sujet. Là, de fidèles recrues havriennes s’entraînent quotidiennement, à quelques pas seulement d’animistes qui les traitent allègrement de brutes sans cervelle. A priori, les apostrophes postillonnées de leurs commandements directs couvrent les insultes puisqu'ils poursuivent leurs exercices sans tiquer.

Bien plus douillets que les piteux campements assemblés à l’extérieur, les camps animistes allient à la perfection minimalisme et confort. Les tentes, renforcées et chauffées magiquement, disposent de tous les outils utiles à l’artisanat et aux pratiques de ces disciples de la nature. A l’image de leurs tenues, les couleurs des drapages et des tapis flamboient de couleurs chaudes, parcourus d’arabesques et de motifs innovants. La proximité avec les voisins de tente contribuent au sens communautaire et contraste avec la froideur des rues havriennes.

Directement adjacents aux camps animistes, les serres et quelques rares enclos font pâle figure face à la nature luxuriante. La Sève freine la croissance de cette nourriture, et est tout simplement impossible à extraire de ces plantations. Quant aux enclos, ils servent d’aire de repos pour les compagnons animaliers des animistes. L’humain est pour l’heure incapable de domestiquer quelque animal que ce soit par des moyens traditionnels. Toutefois, les mains animistes semblent particulièrement habiles pour circonvenir aux limitations imposées par la Sève, et on leur doit une grande partie de ce qui finit dans nos assiettes.

Le fleuve Niahm serpente le long des remparts Est sans s’étendre jusqu’aux quartiers importants du Havre. Prisés pour son eau en faible teneur sévique, ses courants paresseux offrent une source d'eau potable de premier choix autant qu’une réserve d’eau pour les visées industrielles. Il constitue également le point faible principal des défenses de la ville, puisqu’on lui a réservé deux passages dans les remparts et qu’à l’inverse des gardes de la frontière, il ne filtre pas les animaux venus de l’extérieur. Par chance ou par erreur stratégique, les camps animistes sont en première ligne en cas d’invasion.

Un hôtel tout compris, sanitaires communs, lits en bois dur et violence garantie. Animaux domestiques interdits, à l’exception des rats et des cafards. Si vous espériez y passer les vacances, pensez-y à deux fois. Les prisonniers s’endettent pour chaque jour d’emprisonnement ; ils s’en acquittent partiellement par un labeur que l’on nomme de façon politiquement correct le “service de gratitude à la communauté”. Les durs à cuire y font la loi, et les gardiens de prison s’en satisfassent. Il serait avisé de se demander pourquoi le cimetière est attenant.

Lieu de rencontre des morts et des vivants, le cimetière est considéré comme la dernière priorité des fonctionnaires du Havre. A tort, puisqu’on y retrouve autant des âmes venues rendre hommage aux disparus que des rassemblements, dans l’ombre d’une tombe, de comploteurs et de cultes déviants. La plupart des stèles sont sans fioritures, et sont remplacées aussitôt que l’on cesse de leur rendre visite. Un fossoyeur au regard mort se charge d’un entretien relativement méticuleux de ces lieux que l’on n’a même pas pris la peine de cacher derrière un mur de pudeur.