Édifiée par les grands, et les seuls architectes, de notre temps, l’Académie se dresse fièrement sur le pan sud de la place des affaires. Sa façade visible cache une pléïade d’annexes dont les murs sont gravés avec goût de fresques et de statues diverses. Le prestige émane de chaque décision architecturale dans un espoir évident de gonfler les chevilles de ses chercheurs et de ses étudiants, sur lesquels repose le futur de l’humanité.

Ridiculement petit à cause de l’absence de relations intermunicipales, le bureau de poste comporte quelques coursiers et opérateurs de télégraphes aigris. On peut y délivrer des messages et des colis à tous les coins de la ville. Quelques livres glissées discrètement dans la poche d’un agent vous permettront même de les envoyer anonymement, voire à des heures décidées en avance. Quelques pages circulent également dans les rues importantes, se portant volontaire pour les demandes urgentes.

Tenue de père en fils depuis au moins deux générations, la banque Rexford fait office de banque centrale autant que de banque de dépôts. Elle produit chaque billet qui finit dans votre main et conserve précieusement les richesses des plus aisés. Une porte secondaire leur est d’ailleurs réservée afin d’éviter toute altercation avec les personnes incapables d’épargner leurs revenus. Réputée inviolable, des rumeurs courent sur ses possibles défaillances. Au-dessus de l’entrée se trouve le nom Rexford en lettres plaquées or.

Affectueusement renommées “le tartare” par ses propres ouvriers, qui s’activent en son séant comme tout autant de petits organismes anonymes, les usines représentent un lieu abhorré par les petites gens. Des individus tout juste sortis de l’adolescence y triment sans relâche, dans les vapeurs psychédéliques et la machinerie bruyante, et s’efforcent toute leur vie d’en sortir avant de subir un accident de travail mortel ou handicapant. Les contremaîtres observent depuis les coursives qu’aucun vol ne soit perpétré, mais le plus grand risque reste la folie engendrée par la Sève à l’état brut.

Quand le désespoir et la noirceur se noient dans l’alcool, les distillateurs deviennent les rois d’un empire misérable. Créateurs de tords-boyaux divers, qui rivalisent de saveurs et surtout de degrés d’éthanol, ces lieux sont aussi une zone de non-droit où aucun agent de la paix n’ose véritablement mettre les pieds. La proximité douteuse avec les usines de la Sève permet aux opportunistes d’y mêler le précieux liquide à des alcools, leur octroyant une teinte bleue inimitable. Il se raconte que certains gangs y vivent à temps plein et n’en sortent qu’une fois la nuit tombée.

La plupart des commerces n’ont pas le luxe de se placer au cœur de la place des affaires, mais leur importance se mesure selon leur proximité avec le square. Les grandes boutiques s’arrachent les grandes artères débouchant sur la place, tandis que les commerces moins éminents se disputent les quelques rues traverses où le passage est moins fréquent.